Improvisations narratives - 2

Mon fils aime bien les histoires. Quelquefois je n'ai pas de livre sous la main. Donc j'improvise des histoires complètement barrées. Une histoire par paragraphe, transcrites de mémoire dans la journée. Une publication toutes les cinq histoires.

Il était une fois, dans le désert du Sahara, un grain de sable. Un minuscule grain de sable, qui voyageait au gré du vent, de dune en dune. Le paysage était monotone. Il était né sur les plages du Maroc, depuis un gros caillou érodé par les flots, et avait voyagé de longues années sur le continent depuis. À présent, au milieu du Sahara, il s'ennuyait, car tous les grains de sable à qui il parlait avaient la même histoire que lui. Quand, un beau jour, le vent l'emporta vers un endroit qui lui était complètement inconnu : un dromadaire. Il s'était logé dans le sourcil de l'animal, bien calé entre les poils. Ce fut le début d'un nouveau voyage. Là encore, il parcourait le désert, mais il voyait des gens, des caravanes, des centaines de nouvelles choses. Puis un jour, le dromadaire parvint à une oasis. L'animal glissa, et tomba tête la première dans l'eau. Le grain de sable se décrocha, coula lentement, et se retrouva dans la vase, au fond de l'eau. Le grain n'en bougea plus jamais. Mais il était bien entouré par tous les grains de sable de l'oasis, qui avaient vu beaucoup de choses comme lui, et ils se racontèrent des histoires pendant de très nombreuses années. Fin.

Il était une fois une petite fille, qui avait une grande chambre dans une maison moyenne. Mais sa chambre n'était pas importante. Non, ce qui intéressait la petite fille, c'était la chambre de ses parents. La porte en était toujours fermée, et elle avait appris à ne jamais ouvrir les portes fermées des chambres sans permission. Elle essayait d'apercevoir l'intérieur, à chaque fois que ses parents entraient ou sortaient. Elle savait qu'il y avait un lit, et une table de chevet, mais le reste était un mystère. Elle se disait que la chambre contenait des trésors fabuleux, les possessions les plus précieuses de ses parents, tout comme les siennes qui résidaient dans sa propre chambre. Malgré sa frustration, elle n'osait pas demander à ses parents de lui faire visiter. Et puis un beau jour, son père l'appela. "Ma chérie, viens me rejoindre, j'ai un pull à te faire essayer". Quand la fillette se rendit compte qu'elle allait pouvoir entrer dans la pièce inconnue, ses yeux se mirent à briller, mais elle essaya de ne pas le montrer. Elle jeta des coups d'œil dans la chambre, et put même faire un tour à l'intérieur quand son père sortit répondre au téléphone. Mais ce qu'elle y trouva était fort décevant. Des penderies. Un tableau moche accroché au mur. Une lampe de chevet basique, le livre que sa mère lisait, pas de coffre au trésor, pas d'étagères de bibelots, pas de bibliothèque. C'est pourquoi, en ressortant de la chambre, la petite fille alla explorer le salon, car elle savait maintenant que c'est là que ses parents avaient mis les objets auxquels ils tenaient le plus. Fin.

Il était une fois un oiseau qui vivait dans un arbre. L'arbre était immense. L'oiseau était minuscule. En fait, l'oiseau avait passé toute sa vie dans l'arbre. Lorsqu'il était né, sa mère allait chercher sa nourriture près du tronc de l'arbre. Quand il avait volé pour la première fois, il s'était entraîné entre les branches de l'arbre. L'oiseau ne connaissait pas les limites de l'arbre. Pour lui, il était infini. L'arbre était son univers. Il lui apportait de la nourriture, un nid, des amis. Parfois, l'oiseau se posait des questions. Quand les graines de l'arbre tombaient, s'arrêtaient-elles un jour, ou descendaient-elles sans fin. Il se disait qu'à un moment, les graines arrivaient sur une fourche, qui arrêtait leur chute. Et puis, que se passait-il si l'on continuait à monter dans l'arbre ? Les branches devenaient de plus en plus fines, finissaient-elle par disparaître ? Mais l'oiseau ne voulait pas trop s'éloigner de son nid, alors ils n'alla jamais explorer la cime de l'arbre. Il vécut toute sa vie dans son petit coin d'arbre, trouva une oiselle avec laquelle faire des oisillons, et sa progéniture finit par découvrir le monde à sa place. Fin.

Il était une fois un robot, qui fonctionnait sur batterie. Le robot s'amusait beaucoup dans un salon. Il faisait des tours de circuit, il attrapait des objets, il dansait, et il jouait tellement bien qu'il en oublia de retourner à sa station de recharge. Il sentit ses mouvements ralentir, ses moteurs tressauter : il n'avait plus d'énergie. Il se retrouva bientôt, sans bouger, au milieu du salon. Il ne savait plus quoi faire. Quelques heures plus tard, son propriétaire le vit et s'étonna "tiens, c'est bizarre, il va se recharger tout seul d'habitude..." Puis il haussa les épaules, emporta le robot et le plaça sur sa station. Le robot attendit d'être de nouveau en pleine charge pour retourner jouer. Fin.

Il était une fois, dans un monde où les légumes marchent et parlent, une patate. Cette patate était sortie de son terrier pour parcourir la forêt. Elle rencontra une carotte, et lui dit bonjour. Elle rencontra un radis, et lui dit bonjour. Elle rencontra une famille entière de fraises, et leur dit bonjour à eux aussi. La patate finit par sortir de la forêt, et tomba sur quelque chose de singulier : un champ de poules. Les poules étaient plantées, en rangs bien droits, avec le bec et les yeux qui dépassaient du sol. Un fermier passa pour arroser les poules, et ce fut une joyeuse cacophonie alors que les poules buvaient. La patate était fascinée, et se promit de revenir voir le champ une autre fois. Le lendemain, au petit matin, la patate y retourna, et vit que d'étranges objets étaient apparus près des poules. Elle attrapa l'un d'eux et le ramena dans son terrier, mais ne savait pas quoi en faire. Elle demanda donc conseil à sa voisine, la tomate : "Ah, tu as trouvé un œuf ! Il se font rares par ici. Ça se mange, il faut les ouvrir avec un caillou". C'est ainsi que la patate ouvrit l'œuf avec un caillou, en mit partout dans son terrier, mais découvrit le goût de ce truc bizarre. Elle en fut très contente. Fin.

Si vous trouvez que ces histoires se terminent en queue de poisson, je trouve aussi. Ça n'a pas l'air de déranger le gamin plus que ça.

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